November 19, 2015

Que faut-il dire?

Mon épouse et moi, nous avons le cœur brisé non seulement en tant qu'être humains, mais aussi parce que nous habitons chez vous, en France. Pour 99% d'américains, il y a une distance, une séparation de ce qui s'est passé à Paris. Mais nous, on comprend votre langue ; on pleure avec vous lors de la Marseillaise ; on sait ce que votre histoire vous dit que le mot "guerre" veut dire un conflit entre nations, pour une cause, avec un début et, heureusement, une fin. Nous comprenons que massacrer un français à table, c'est la même chose de le tuer à l'église. Et nous sommes, comme toutes les personnes civilisées dans ce monde, bouleversés.





Je suis également triste parce que je connais le chemin devant vous. Vous allez entendre des appels de la droite, de la gauche, du centre, de partout pour beaucoup plus de surveillance. « Liberté » ça veut dire quoi ? Vous allez en parler. Nous vivons ça depuis 2001 chez nous, et, malheureusement, suite aux attentats, nous recommençons ce débat aux Etats-Unis. Déjà, il y a plus de 25 gouverneurs – les chefs d’états de plus de la moitié de nos états – qui disent qu’ils n’accepteront pas de migrants venant de la Syrie. Déjà, le chef de la CIA dit que le public américain s’inquiète trop sur les activités du gouvernement, les activités qui, d’après lui, n’ont qu’un seul objectif : protéger le peuple américain. (Quant aux américains « normaux » et le New York Times, eux, ils pensent autrement que ce monsieur. Comme vous, on n’aime pas trop quand le gouvernement écoute nos coups de téléphone.) Déjà, on veut surveiller les mosquées.

Je suis arrivé à Paris en octobre 1995, juste après les attentats dans le métro et RER. J’étais jeune à l’époque, ne comprenant pas trop bien les raisons pour les attentats. Et je me souviens que je m’inquiétais un peu quand je voyais les poubelles dans le métro et partout à Paris qui avaient été hermétiquement fermées pour les raisons de sécurité. Mais pas trop peur. On avait l’impression que c’était quelque chose qui ne pourrais pas durer, que la vie normale reviendrait, et bientôt.

Le discours en 1995 ne se concentrait pas sur les grandes questions auxquelles nous faisons face aujourd’hui. Est-ce que « normal » a changé depuis vendredi ? Je crains que oui, au moins pour les mois à venir.

Et au même temps, rien ne change ici en Bourgogne. Les tracteurs passent devant chez moi comme d’habitude. Samedi matin, tout le monde était à la déchèterie. On n’a pas annulé baby-hand pour les enfants. La factrice continue de faire son travail. Et franchement, les gens en parlent peu, préférant de continuer comme d’habitude dans leur vie quotidienne : aller au marché, discuter la météo chez le coiffeur, aller bosser. C’est peut être la meilleure – et la seule—façon de faire face aux tragédies. Je pense que c’est cet esprit humain qui va nous permettre tous de triompher à la fin. Hélas, cette fin, c’est pas pour aujourd’hui.

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